Intervention de la FSU 31 lors du forum "Pour une autre politique de l’accueil" tenu le 8 décembre 2023 à la bourse du travail
Intervention FSU 31 au forum pour une autre politique de l’accueil 08/12/2023
Dans le prolongement des précédentes législations, la loi Darmanin vise à justifier une distinction illégitime entre « bon·ne·s » et « mauvais·e·s migrant·e·s », à durcir le tri entre les deux, et à restreindre le droit d’asile. On assiste aussi à la remise en cause du principe de l’hébergement inconditionnel dans les centres d’hébergement d’urgence et à celle de la couverture maladie des personnes migrantes qui fragiliserait leur droit élémentaire à la santé.
La FSU se prononce pour la liberté de circulation et le droit à l’installation. Elle réclame la fermeture des CRA. La FSU revendique la création d’un service public d’accueil des migrant·es pour prendre en charge tous les aspects d’une politique d’accueil : démarches administratives, social et logement, éducation, santé et suivi psychologique, insertion... Cela va à l’encontre des politiques de répression, de réduction des droits des réfugié.es et exilé.es, que ce soit au niveau national, comme européen, avec la construction toujours plus poussée de l’Europe forteresse.
Sur le terrain professionnel nous entendons organiser la solidarité concrète avec les travailleurs/lleuses étrangers dont la situation administrative est souvent précaire. Il s’agit notamment de les aider à sortir du cercle vicieux entretenu par la préfecture et l’Etat employeur qui consiste pour la première à exiger un contrat pour prolonger un titre de séjour, et pour le second à exiger un titre de séjour pour un renouvellement de contrat (car la fonction publique embauche de plus en plus de personnels contractuels). Nous essayons d’obtenir de l’Etat employeur qu’il passe outre son exigence et propose un contrat sans condition.
La FSU condamne la pratique des quotas, qui correspond à une conception utilitaire de l’immigration et revendique la liberté de circulation des personnes. Or, le mantra des métiers en tension revient avec ce projet de loi qui prévoit une carte de séjour temporaire avec la mention « travail dans les métiers en tension ». Mais pour avoir cette carte, le gouvernement valide le principe du travail illégal de ces travailleur.ses pendant 3 ans. Or iels sont soumis aux injonctions du patronat, sans droits sociaux, des conditions de travail difficiles, subissant l’exploitation. Mais rien n’est prévu dans la loi asile pour reconnaitre ce travail dans les périodes travaillées dans les 3 ans permettant l’obtention de carte de séjour.
Au-delà, la carte métier en tension prévoit de se transformer en carte de séjour pluriannuelle si la personne présente un CDI. Mais sur ces secteurs dits en tension, les CDD sont légions, les missions d’interim sont légions, que ce soit sur la restauration, le bâtiment. C’est donc un miroir aux alouettes. L’Etat se désengage de sa responsabilité d’accueil et d’intégration, en renvoyant cela au patronat qui de facto décidera de qui pourra rester ou pas, selon si un CDI est proposé, des contrats renouvelés, etc…
De plus, comment accepter et tolérer que ce projet de loi conditionne l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière (allocations familiales, prestation de compensation du handicap, aide personnalisée au logement…). Cela crée une discrimination inacceptable pour ces personnes venues d’ailleurs, fuyant des terrains de guerre de natures diverses. Ces personnes travaillent et peuvent par exemple être abimées par leur emploi et ne pourrait alors pas recevoir une compensation ? Nous voyons là encore une illustration d’un salariat à 2 vitesses, une opposition des travailleur.ses orchestrée par le gouvernement pour répondre aux seuls besoins du patronat, qui n’hésite plus à déjeuner et échanger avec l’extrême droite
Forte d’une large implantation dans l’EN, la FSU se mobilise pour la régularisation des familles sans papiers dont les enfants sont scolarisés. Rappelons que l’obligation de scolariser les enfants s’impose à l’Education Nationale et aux municipalités, quel que soit le statut de leurs parents. Cette défense des familles sans papier se fait dans le cadre du RESF qui rassemble associations et syndicats dont bon nombre sont là ce soir. Le principe est de mobiliser la communauté éducative autour des familles concernées en multipliant les initiatives de proximité ce qui installe le débat sur la place des migrant.es dans notre société au plus près des réalités des populations. C’est, selon nous, un moyen puissant de contrer les a priori xénophobes.
La particularité des cas qu’on suit dans le cadre de RESF c’est que, par la présence même des enfants, c’est toute la question du respect des droits de l’enfant qui est en jeu et peut peser dans la décision administrative. Nous défendons leur droit à ne pas être séparés de leurs parents, leur droit à l’éducation, et donc aux droits fondamentaux comme la santé ou le logement. C’est un autre angle d’interpellation des autorités même si il faut reconnaître qu’elles sont capables de manifester la même inhumanité que vis-à-vis des adultes migrants en exil politique, économique ou climatique. Ainsi, dans le cadre de l’intersyndicale de l’éducation, nous avons rencontré en octobre la sous préfète de Toulouse qui nous a affirmé que les enfants des familles ayant reçu des OQTF « ont vocation » à rentrer dans leur pays où sera assuré leur droit à l’éducation (sic) et, qu’en conséquence, il n’était pas question pour la préfecture de trouver un logement d’urgence pour ces familles quand elles sont à la rue. En creux cela signifie qu’un enfant d’une famille sans papier n’aurait pas non plus sa place à l’école sitôt l’OQTF prononcée. Nous dénonçons cette logique perverse et inhumaine, nous exigeons de l’Etat qu’il assure les droits des enfants quel que soit le statut de leurs parents, nous revendiquons au-delà la régularisation de tous les sans papiers.
Il faut ajouter que les familles sans papiers avec enfants scolarisés ce sont beaucoup des femmes qui sont concernées. En couple et aussi souvent seules avec les enfants. N’oublions pas qu’elles représentent la moitié des immigré.es d’origine africaine ou asiatique. Selon l’INSEE (sans considération de statut) : parmi les femmes immigrées 11% vivent seules, 17% seules avec enfants, 39% en couple avec enfants et 23% en couple sans enfant. L’image de l’immigré homme jeune et célibataire, n’est pas représentative de la majorité. Et de plus en plus les femmes partent seules et non pour rejoindre un conjoint : en 2020, les femmes représentaient un tiers des demandes d’asile enregistrées à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) elles sont originaires à 55 % du continent africain et à 24 % d’Europe, notamment d’Albanie ou de Russie. Fuyant souvent des situations de violence et de domination patriarcales, elles connaissent des parcours migratoires encore plus soumis à la violence car la violence sexiste s’ajoute aux autres. A l’arrivée, elles subissent les discriminations et préjugés sexistes et plus de la xénophobie.
Régulariser massivement se révèle être une politique de protection des femmes victimes de violences et un moyen pour leur permettre d’échapper aux réseaux de trafic d’êtres humains, en particulier les réseaux de prostitution. Loin des sombres calculs économiques et politiques qui guident les politiques migratoires en France, notre pays se doit d’accueillir ses populations jetées sur les chemins de l’exil et particulièrement les plus vulnérables d’entre elles que sont les femmes et les enfants.